Comment parler des personnes noires en français ? – How do we refer to Black people in French? – FLE

Article datant de 2013, mise à jour : novembre 2022

Ce billet va aborder une question difficile qui se retrouve à l’interface entre vocabulaire, politique et culture. Nos étudiants nous posent souvent la question suivante : « comment les Français nomment-ils les Noirs? » Nous expliquerons brièvement pour quelles raisons il n’est pas simple d’y répondre et nous verrons qu’il n’y a pas de réponse idéale.

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Comment parler des personnes noires en français ? – How do we refer to Black people in French? – FLE

Parler des Noirs serait un abus de langage dans la mesure où les différences entre personnes noires ou réputées telles sont si grandes qu’il faudrait renoncer pragmatiquement à parler des Noirs en général.

NDiaye, P. (2005). Pour une histoire des populations noires en france : préalables théoriques. Le Mouvement Social, no<(sup> 213), 91-108https://doi.org/10.3917/lms.213.0091

Ces mots sont ceux de Pap NDiaye, l’actuel ministre français de l’Éducation nationale, historien de formation, professeur des universités et concerné par la question.

Parler de ce sujet est délicat pour plusieurs raisons mais nécessaire pour des questions de vocabulaire notamment. Nous allons tenter de vous orienter entre les différentes possibilités acceptables qui se présentent lorsque l’on s’adresse à une personne noire en France ou que l’on parle d’elle.

Choix 1 : Le prisme de la couleur de peau

Pourquoi le Noir est-il une personne de couleur et pas le Blanc ? Pourquoi les Noirs forment-ils une minorité visible et pas les Blancs ? Peut-on être Noir sans se reconnaître comme tel ? Autant de questions qui indiquent qu’être Noir n’est pas une évidence.

(2010). le quiproquo de la couleur, hiérarchies de couleurs et catégorisations raciales: entretien avec Pascal Blanchard et Michel Giraud. Vacarme, 52, 16-20. https://doi.org/10.3917/vaca.052.0016

On peut être tenté de voir les personnes sous le prisme de la couleur de leur peau, mais ce n’est pas un prisme idéal car il peut être vu comme réducteur. Il est important de s’intéresser à la manière dont la personne concernée se voit elle-même et s’identifie, quitte à lui poser la question sur le terme qui lui convient.

Les Blacks / les blacks

L’anglicisme « Black »/ « black » est de plus en plus employé en français depuis quelques années (alors même qu’il existe depuis au moins les années 1980), il est considéré comme étant « cool » mais avec les écueils qui vont avec…On emprunte un terme à une autre langue par crainte de nommer, de voir la réalité de la société française de notre époque.

À l’origine, le mot « black » s’écrivait sans majuscule en anglais, alors que le mot s’écrit en majuscule en français, mais depuis la mort de George Floyd et les mouvements d’ampleur qui ont suivi, l’anglais s’est également mis à la majuscule comme Libération l’explique ici.

Les Noirs / les noirs

Le terme le plus acceptable est probablement celui-ci, qui désigne les personnes par leur couleur de peau (tout comme le terme Black).

C’est celui que l’on retrouve le plus dans la littérature scientifique, avec ou sans majuscule. Le plus souvent, on écrit « les Noirs » avec une majuscule (par opposition aux « Blancs ») mais cela tendrait à évoquer l’existence d’un peuple, d’un groupe « homogène » de personnes, ce qui n’est pas le cas. Consultez l’avis de l’Académie française à ce sujet ici.

Choix 2 : Les euphémismes

Les personnes de couleur

En France, nous utilisons souvent un euphémisme (pour atténuer des termes qui pourraient sembler durs ou inappropriés) afin de désigner les Noirs : « les personnes de couleur« . Le problème avec les euphémismes, c’est qu’ils contournent le problème de la discrimination raciale comme l’explique Éric Macé en parlant du modèle républicain français et de ses conséquences sur le sujet qui nous intéresse :

Pendant longtemps en France,  « au nom du principe d’égalité entre les individus, il convient d’être « indifférent aux différences », c’est‑à‑dire ne pas prendre en compte les différences entre les individus et les groupes, afin de ne pas menacer l’unité de la nation en lui opposant des « communautés » fondées sur la race, l’ethnie, le genre, la religion etc. Cependant, l’effet pervers de cette « indifférence aux différences » est bien connu, c’est celui de l’indifférence aux discriminations dès lors que c’est au nom de l’égalité en droit qu’on s’interdit de prendre en compte les discriminations de fait ».

Macé, E. (2007)

Les personnes issues de la diversité / les minorités visibles

« Personnes issues de la diversité » et « minorités visibles » sont des termes qui ont pour point faible de regrouper ensemble des personnes qui ont des appartenances hétérogènes et qui ne forment pas un groupe.

« Les personnes issues de la diversité » est évidemment un autre euphémisme, qui est à la fois difficile à prononcer…et à retenir. On le retrouve beaucoup aujourd’hui dans les offres d’emploi et il ne désigne pas spécifiquement les Noirs (il peut s’agir d’autres personnes, d’autres groupes qui n’appartiennent pas au groupe majoritaire).

L’expression « minorités visibles » est fréquemment employée dans le monde politique et dans les médias en France. Esther Benbassa, sénatrice française, explique dans son ouvrage Minorités visibles en politique :

« Qu’est-ce qu’une « minorité » ? Un groupe numériquement faible que sa religion, son origine ethnique, la couleur de sa peau ou son orientation sexuelle distingue de la population dite majoritaire, et expose à des discriminations d’ampleur et de nature variables. En France, le mot renvoie plus spécifiquement à tous ceux que l’on continue de percevoir comme étant « issus de l’immigration», quand bien même ils seraient français depuis plusieurs générations. »

Esther Benbassa

C’est donc une expression qui se veut neutre, mais qui ne l’est pas vraiment.

Éric Macé explique que l’expression « minorités visibles » souligne de manière absurde et discriminante la déviance par rapport à ce qui peut être considéré comme la « norme blanche » et qu’elle est venue remplacer les termes non moins glorieux « issu de l’immigration ».

Le Canada, qui est une société multiethnique assumée (au contraire de la France par exemple) cherche à sortir de la dénomination « minorités visibles » sans qu’une alternative acceptable n’ait émergé pour le moment (voir ici).

Exemple : « Depuis quelques années, nous favorisons la représentation dans les médias des personnes issues de la diversité« .

Choix 3 : Le verlan, hors des clous

« Un renoi »

Dans le langage de certains jeunes et en verlan en France, on peut entendre le terme « renoi« . Le « verlan » inverse les syllabes et a donc gratifié la langue française du terme « renoi » qui inverse les syllabes du mot « noir ». C’est un peu l’équivalent de « nigga » en anglais. 

Le terme « renoi » permet d’une certaine façon de sortir du dilemme entre qualifier la personne par sa couleur de peau (dans laquelle elle ne se reconnaît pas forcément) ou user d’euphémisme quitte à faire preuve de « color blindness » et empêcher les discriminations d’être mises sur le tapis et combattues.

Que faire du mot « nègre » en français?

Ce mot est considéré par beaucoup comme raciste et il est préférable de ne pas l’utiliser même si l’histoire n’est pas si simple. La journaliste Ariane Chemin dit, dans son article intitulé « Nègre, ce mot lourd du racisme et des crimes qui l’ont forgé » qu’il est « imprégné de la tragédie de l’esclavage et de la colonisation« .

Dans l’entre-deux-guerres, les Africains ayant participé à la guerre pour le compte des puissances européennes s’installent pour certains en Europe et ils sont désormais vus d’une manière plus positive pour le courage dont ils ont fait preuve. Le terme « nègre » acquiert alors dans les années 1920 une certaine connotation positive. Aimé Césaire invente de fait le mot « négritude » et contribue à fonder le mouvement de la négritude, affirmant la reconnaissance de l’état de fait d’être noir et une certaine fierté liée à cette condition.

Après la Seconde Guerre mondiale et les mouvements décoloniaux le terme est cependant considéré de moins en moins acceptable dans un monde qui change. Ariane Chemin explique ce qu’il en reste aujourd’hui :

« Le mot est ainsi utilisé par les Antillais qui invoquent l’héritage d’Aimé Césaire, les universitaires qui travaillent sur l’esclavage et la colonisation ou par des chanteurs de rap et de hip-hop qui l’emploient dans un jeu de langage fondé sur le retournement du stigmate »

Ariane Chemin (Le Monde, 21 octobre 2021)

L’usage du mot « nègre » est donc réservé à des contextes particuliers si on peut le résumer ainsi.

En conclusion

Aucune option n’est meilleure que les autres. Citons Michel Giraud (2010) à ce sujet : « En gros il y a les tenants d’un discours qui vise à dire : attention à ne pas racialiser ou coloriser ce qui n’a aucune raison de l’être ; ce à quoi répondent, avec autant de légitimité, leurs opposants : si vous continuez à être dans l’euphémisme, dans le silence, vous contribuez à faire perdurer le système, les discriminations racistes. On est donc assigné à prendre une position catégorique : pour ou contre, et finalement nous sommes nombreux à éprouver des difficultés quand nous rentrons dans ce débat, qui est probablement plus politique que moral. »

Quelques remarques pour finir

✅ Le mot « un Noir » est de plus en plus utilisé par les personnes concernées elles-mêmes. Lire à ce sujet cette source récente : « Je n’aime pas qu’on me dise ‘black' » : pourquoi, en France, le mot « noir » reste tabou

❌ Dire les Africains est souvent faux car cela ne se justifie que si les personnes sont d’origine africaine et d’une nationalité d’Afrique (donc pas des Français par exemple). Beaucoup de Noirs ne sont pas d’origine africaine.

✅ Pour faire référence aux noirs américains, on peut lire et dire les Afro-Américains (termes qui mettent l’accent sur l’origine historique des personnes plutôt que sur la couleur). « Noirs-Américains » est également une terminologie que l’on peut croiser.

Vous voulez en savoir plus sur ce sujet ? Nous vous recommandons de lire cet article (en français)

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3 réflexions sur “Comment parler des personnes noires en français ? – How do we refer to Black people in French? – FLE


  1. Géniale, intéressant; merci du partage 🙂
    Ici à Montréal les gens foncés aux cheveux frisottés sont reconnaissables à leur accent
    1-jamaik = anglo slang
    2-afrik nord = franco international
    3-haiti = franco ancien
    4-afrik sud = anglo

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