Portraits d’apprenants : Shiho, ancienne étudiante japonaise à l’Université de Strasbourg devenue chargée d’ateliers culturels

Voici notre tout nouveau portrait d’apprenant! Shiho est japonaise, elle a appris le français et a étudié à l’Université de Strasbourg. Découvrez son histoire!

 

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Shiho en 2019

1/ Bonjour Shiho! Peux-tu te présenter brièvement et nous expliquer ton parcours ?

Bien sûr ! Je m’appelle Shiho Kasahara. Je suis en 2ème année de Master au département des Arts de la scène à l’Université de Strasbourg. C’est un parcours pour ceux qui se destinent à la recherche, à la médiation, à l’enseignement, au journaliste, et évidemment à une pratique artistique, et ça consiste à parler du spectacle vivant et aussi écrire là-dessus.

2/ Pourquoi as-tu choisi de venir étudier en France ?

Je me souviens plus pourquoi mais je caressais le rêve d’aller en France non pas en tant que simple touriste mais en tant qu’étudiante depuis quand j’étais écolière. Donc si je réponds à cette question, la réponse serait celle-ci : « Parce que c’était mon rêve. »

Puis ce rêve presque intuitif m’a encouragé à entrer dans une université renommée pour son enseignement du français. Au milieu de ma troisième année de licence, j’ai passé une année à Grenoble dans le cadre d’un programme d’échange comme beaucoup d’autres camarades. À l’époque je ne parlais pas bien français, n’arrivais pas à comprendre les mots que des gens me disaient. J’ai commencé à avoir peur de répondre à côté de la plaque, face aux Français, et même face aux autres Européens qui parlent souvent le français aussi couramment que leur langue maternelle. Chaque fois que j’avouais que je m’exprime mal en français, ça me stressait tellement! L’angoisse m’envahissait à ce moment-là, je ne vous la décrirai pas… Également à la fac, j’avais du mal à me sentir à ma place dans la salle de classe. Je m’efforçais de rester transparente en classe, où mes autres camarades discutaient vivement avec les profs. 

Mais l’atelier théâtre ne m’a pas laissée continuer ainsi et c’était pourtant grâce à ça que j’ai eu pas mal d’occasions de prendre la parole. Durant chaque séance, j’ai beaucoup écrit, lu, et surtout joué. C’était un atelier très dur pour moi, une étudiante étrangère qui venait juste d’arriver en France. Mais j’ai quand même appris pas mal de choses intéressantes dans cet atelier. À la fin du semestre, on a eu une occasion de présenter un spectacle. Lors des rappels, en recevant les applaudissements face aux mines réjouies des spectateurs, je me suis dit que ça serait trop tôt pour renoncer. C’était le moment qui me faisait chaud au cœur pendant mon premier séjour en France marqué par pleines d’expériences dures. 

Et voilà, maintenant je suis toujours en France. Mon rêve depuis l’enfance est justement en train de se réaliser!

3/ As-tu appris le français avant de venir ou quand tu étais au Japon ? Comment l’as-tu appris ?

Comme je l’évoquais un peu plus haut, je me suis mise au français quand je suis entrée à la faculté de Français Langue Étrangère. Mais j’avoue que j’étais un vrai cancre en français durant ma première année de licence. Au bout d’un an, l’un de mes profs m’a demandé, « Pourquoi apprenez-vous le français, ou plutôt avec le français, qu’est-ce que vous allez faire dans l’avenir ? ». Je ne m’étais jamais posée la question de savoir pourquoi je travaillais là-dessus, à part l’histoire de mon rêve depuis l’enfance. Et c’était à ce moment-là que j’ai compris le fait que la langue n’était qu’un moyen d’expression et qu’il s’agissait de penser à ce que l’on veut faire avec cet outil de communication. 

Puis, comme j’aimais beaucoup le théâtre à l’époque, je me suis dit que ça pourrait être très intéressant si je m’orientais vers des études théâtrales en France. C’était donc comme ça que j’ai réussi à fixer mon objectif de façon précise et depuis, j’ai lu beaucoup de textes de théâtre, écouté les émissions culturelles à la radio, glané du vocabulaire, et finalement j’ai  fait plein de progrès en français. 

4/ Qu’as-tu trouvé de difficile dans l’apprentissage du français et au contraire qu’est-ce qui t’a plu ?

Le problème qui se pose dans l’apprentissage du français, c’est sûrement la prononciation. C’est la question technique qui me bloque, parfois me stresse énormément, surtout que je travaille sur le théâtre… En tous cas, c’est la question qu’on n’arrivera jamais à régler dans un certain sens, car on ne pourrait peut-être jamais atteindre la prononciation ‘authentique’ en la langue étrangère à partir du moment où on arrive à un certain âge. Mais, en revanche, c’est l’écriture qui me procure toujours un grand plaisir. Moi, je m’enferme souvent chez moi et passe mon temps à écrire, avec une tasse de café, en grignotant un chocolat. Ça me permet de faire face au français à mon rythme. C’est ça qui me plait. 

5/ Tu parles particulièrement bien français, ton français est quasiment parfait! Pourrais-tu nous expliquer comment tu as atteint un tel niveau de maîtrise?

Merci beaucoup ! Pourtant je ne pense pas que je me débrouille bien en français, car quand je me sens hyper fatiguée, je ne peux plus parler français avec confiance !!

Quand on habite dans un pays étranger, on est comme un enfant. On apprend chaque jour des mots nouveaux. Ce qui est important, c’est de ne pas laisser tomber le moindre mot parvenant à nos oreilles, mais d’y être plutôt attentif. Dans mon cas, si je rencontre un mot qui m’échappe, je le cherche dans le dictionnaire et le note, genre dans un cahier pour ne jamais l’oublier. Il s’agit de faire de petits efforts. Je crois que ça rapportera gros un jour. 

6/ Tu étudies le théâtre et tu envisages de devenir auteure de théâtre en français. Quel objectif impressionnant, surtout pour quelqu’un dont le français n’est pas la langue maternelle ! Tu pourrais nous expliquer ce qui te motive?

C’est vrai que, ‘idéalement’ je veux devenir auteure de théâtre, un écrivain qui s’exprime non pas en japonais, mais dans la langue de Molière. Je ne sais pas comment formuler ce qui me motive… Ça peut être les difficultés et les complexités auxquelles je devrai me confronter… D’ailleurs ‘Pourquoi faudrait-il faire simple quand on peut faire compliqué?’ comme dit Godard. Voilà bien la maxime de l’artiste que mon prof de français m’a donnée.

7/ Quels sont les conseils que tu donnerais aux étudiants étrangers (plus spécifiquement japonais) qui viennent faire leurs études en France?

« Ne supportez pas le stress, laissez tomber vos études, et amusez-vous bien pendant les vacances !! » J’adresse ce mot tout particulièrement aux étudiants japonais qui sont souvent perfectionnistes. 

8/ Sur quelle note aimerais-tu conclure cet entretien?

Comme dit tout le monde, « Il n’y a pas de règle d’or ». Chacun peut apprendre le français à son rythme. Il y a ceux qui communiquent bien à l’oral, et ceux qui préfèrent écrire. Trouvez le rythme qui vous fait du bien ! Et j’espère que je rencontrerai un jour certains d’entre vous qui lisent mon interview ! 

Cet entretien a été réalisé il y a quelques mois, Shiho est aujourd’hui chargée des ateliers culturels et des projets artistiques au sein du Service d’Action culturelle de l’Unistra. Un beau parcours en somme.

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2 réflexions sur “Portraits d’apprenants : Shiho, ancienne étudiante japonaise à l’Université de Strasbourg devenue chargée d’ateliers culturels


  1. Le parcours de Shiho est très intéressant. Si la France et le Japon sont aux antipodes quant à la mentalité ( individualisme français et collectivisme nippon) les deux pays ont souvent échangé sur le plan esthétique et culturel. Cf. le courant du Japonisme. En ce qui concerne le théâtre, le Japon a une tradition ancienne qui remonte à Zeami au moment même où en France durant notre Moyen âge nous jouions les  » Misteres » (Mystères). Bon succès.


    1. Tout à fait. La différence est aussi ce qui fait qe les deux cultures soient très attirées l’une par l’autre, chacun des pays apparaissant fascinant aux yeux de l’autre, d’où les échanges culturels nombreux aussi. Avez-vous une connaissance particulière du Japon et de sa culture? En tout cas, merci pour votre message que nous transmettons à Shiho!

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