Madame Bovary de Flaubert : citations choisies au fil de l’oeuvre (texte et vidéo)

On peut penser que lire Madame Bovary à notre époque, c’est la garantie de s’ennuyer face à une histoire d’un autre temps qui ne nous parle pas, mais ce serait une erreur de penser ça. Madame Bovary est furieusement et étrangement contemporaine à plusieurs égards : une femme un peu trop rêveuse, romantique et idéaliste qui s’ennuie dans un mariage où la routine a pris le pas sur le plaisir et qui se cherche d’autres moyens de se sentir vivante. Emma Bovary, c’est la quête désespérée d’un amour à la hauteur de ses rêves et cela nous donne un roman qui ne se démode pas.

Couverture du livre _Madame Bovary_ de Gustave Flaubert, mettant en avant une illustration d'une femme en robe du XIXe siècle avec un fond coloré et des textes informatifs.

Madame Bovary : citations choisies et commentées

Madame Bovary, publié en 1857, reste l’un des romans les plus emblématiques de la littérature française. À travers l’histoire d’Emma, Flaubert explore avec une précision inégalée les désirs, les illusions et les désenchantements humains. Dans cet article, nous avons rassemblé des citations marquantes qui jalonnent l’œuvre.

À lire ou à écouter en vidéo, ces passages offrent une porte d’entrée idéale pour (re)découvrir l’univers de Flaubert en quelques minutes.

Madame Bovary : 21 citations au fil de l’oeuvre en vidéo

Écoutez notre sélection de 21 citations qui suivent le fil de l’oeuvre de Flaubert :

Madame Bovary : citations au fil de l’oeuvre

Charles est un élève moyen, sa mère a de grandes ambitions pour lui et veut en faire un médecin. Il y arrive bon an mal an. Sa mère décide ensuite de le marier et lui choisit sa première épouse, une riche veuve, âgée et pas très jolie. Charles accepte sans rechigner :

Charles avait entrevu dans le mariage l’avènement d’une condition meilleure, imaginant qu’il serait plus libre et pourrait disposer de sa personne et de son argent. Mais sa femme fut le maître ; il devait devant le monde dire ceci, ne pas dire cela, faire maigre tous les vendredis, s’habiller comme elle l’entendait, harceler par son ordre les clients qui ne payaient pas.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma, fille de fermier, élevée au couvent, rêveuse et biberonnée aux histoires romantiques, accepte le mariage avec Charles, qui a soigné son père. Charles est un homme débonnaire, sérieux et travailleur, mais ce n’est pas ce dont rêve Emma qui aspire à bien plus. Charles est aux anges…

à présent, il possédait pour la vie cette jolie femme qu’il adorait. L’univers, pour lui, n’excédait pas le tour soyeux
de son jupon (…)

Madame Bovary, G. Flaubert

Mais pour Emma, c’est bien plus compliqué :

Avant qu’elle se mariât, elle avait cru avoir de l’amour ; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n’étant pas venu, il fallait qu’elle se fût trompée, songeait-elle. Et Emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres.
(…) elle ne pouvait s’imaginer à présent que ce calme où elle vivait fût le bonheur qu’elle avait rêvé.

Madame Bovary, G. Flaubert

Les désillusions d’Emma Bovary s’accentuent peu à peu, au fur et à mesure que le temps passe et que sa vie maritale s’enfonce dans la routine.

La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman. Un homme, au contraire, ne devait-il pas tout connaître, exceller en des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ? Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma le regardait en haussant les épaules. Que n’avait-elle, au moins, pour mari un de ces hommes d’ardeurs taciturnes qui travaillent la nuit dans les livres, et portent enfin, à soixante ans, quand vient l’âge des rhumatismes, une brochette de croix, sur leur habit noir, mal fait. Elle aurait voulu que ce nom de Bovary, qui était le sien, fût illustre, le voir étalé chez les libraires, répété dans les journaux, connu par toute la France.
Mais Charles n’avait point d’ambition !

Madame Bovary, G. Flaubert

Elle lui reproche ses manières gauches, simples, paysannes. Emma Bovary, déçue par Charles, le méprise désormais complètement.

Elle se sentait, d’ailleurs, plus irritée de lui. Il prenait, avec l’âge, des allures épaisses ; il coupait, au dessert, le bouchon des bouteilles vides ; il se passait, après manger, la langue sur les dents ; il faisait, en avalant sa soupe, un gloussement à chaque gorgée, et, comme il commençait d’engraisser, ses yeux, déjà petits, semblaient remontés vers les tempes par la bouffissure de ses pommettes.

Madame Bovary, G. Flaubert

La vie de femme de médecin de campagne, au fond de la Normandie, fait étouffer Emma qui attend un rebondissement :

Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l’horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu’à elle, vers quel rivage il la mènerait (…)

Madame Bovary, G. Flaubert

Mais c’était surtout aux heures des repas qu’elle n’en pouvait plus, dans cette petite salle au rez-de-chaussée, avec le poêle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavés humides ; toute l’amertume de l’existence, lui semblait servie sur son assiette, et, à la fumée du bouilli, il montait du fond de son âme comme d’autres bouffées d’affadissement.

Madame Bovary, G. Flaubert

Elle se sent enfermée dans une vie banale et morne, persuadée de « valoir » autant, voire plus, que celles qui mènent une existence luxueuse et excitante. Son amertume est double : amertume sociale, car elle compare sa condition modeste à celle des aristocrates vues à la Vaubyessard, qu’elle juge moins méritantes et amertume spirituelle, car elle reproche à Dieu une injustice fondamentale :

Est-ce que cette misère durerait toujours ? est-ce qu’elle n’en sortirait pas ? Elle valait bien cependant toutes celles qui vivaient heureuses ! Elle avait vu des duchesses à la Vaubyessard qui avaient la taille plus lourde et les façons plus communes, et elle exécrait l’injustice de Dieu ; elle s’appuyait la tête aux murs pour pleurer ; elle enviait les existences tumultueuses, les nuits masquées, les insolents plaisirs avec tous les éperduments qu’elle ne connaissait pas et qu’ils devaient donner.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma est enceinte et elle veut un garçon mais elle aura une fille.

Elle souhaitait un fils ; il serait fort et brun, elle l’appellerait Georges ; et cette idée d’avoir pour enfant un mâle était comme la revanche en espoir de toutes ses impuissances passées. Un homme, au moins, est libre ; il peut parcourir les passions et les pays, traverser les obstacles, mordre aux bonheurs les plus lointains. Mais une femme est empêchée continuellement. Inerte et flexible à la fois, elle a contre elle les mollesses de la chair avec les dépendances de la loi.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma se rapproche peu à peu du clerc de notaire, Léon. Il cherche comment lui dire son amour, mais elle ne se rend compte de rien :

Quant à Emma, elle ne s’interrogea point pour savoir si elle l’aimait. L’amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l’abîme le cœur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttières sont bouchées, et elle fût ainsi demeurée en sa
sécurité, lorsqu’elle découvrit subitement une lézarde dans le mur.

Madame Bovary, G. Flaubert

La lézarde dans le mur est une image qui préfigure la chute d’Emma.

Emma maigrit, ses joues pâlirent, sa figure s’allongea. Avec ses bandeaux noirs, ses grands yeux, son nez droit, sa démarche d’oiseau, et toujours silencieuse maintenant, ne semblait-elle pas traverser l’existence en y touchant à peine, et porter au front la vague empreinte de quelque prédestination sublime ? Elle était si triste et si
calme, si douce à la fois et si réservée, que l’on se sentait près d’elle pris par un charme glacial, comme l’on frissonne dans les églises sous le parfum des fleurs mêlé au froid des marbres. (…)
Mais elle était pleine de convoitises, de rage, de haine. Cette robe aux plis droits cachait un cœur bouleversé, et ces lèvres si pudiques n’en racontaient pas la tourmente. Elle était amoureuse de Léon, et elle recherchait la solitude, afin de pouvoir plus à l’aise se délecter en son image.

Madame Bovary, G. Flaubert

Ce qui l’exaspérait, c’est que Charles n’avait pas l’air de se douter de son supplice. La conviction où il était de la rendre heureuse lui semblait une insulte imbécile, et sa sécurité là-dessus de l’ingratitude. Pour qui donc était-elle
sage ? N’était-il pas, lui, l’obstacle à toute félicité, la cause de toute misère, et comme l’ardillon pointu de cette courroie complexe qui la bouclait de tous côtés ? Donc, elle reporta sur lui seul la haine nombreuse qui résultait de ses ennuis.

Madame Bovary, G. Flaubert

Léon s’en va et Emma reste seule avec son désespoir. Charles ne peut rien y faire et sa mère lui propose d’empêcher Emma de lire des romans, car la lecture serait la cause des ses maux. C’est ainsi sur Rodolphela rencontre et s’entiche d’elle. Il se met en tête de la conquérir pour s’amuser. Aux comices, il se rapproche d’elle et ils ont un échange sur le bonheur et la passion. Elle succombe à ses charmes peu après lors d’une balade à cheval.

Elle se répétait : J’ai un amant ! un amant ! se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l’entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l’existence ordinaire n’apparaissait qu’au loin, tout en bas, dans l’ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.

Madame Bovary, G. Flaubert

L’excitation de l’adultère, cependant, ne dure pas bien longtemps.

Les apparences, néanmoins, étaient plus calmes que jamais, Rodolphe ayant réussi à conduire l’adultère selon sa fantaisie ; et, au bout de six mois, quand le printemps arriva, ils se trouvaient, l’un vis-à-vis de l’autre, comme deux mariés qui entretiennent tranquillement une flamme domestique.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma se met à repenser au passé, quand elle vivait chez son père, avant son mariage.

Quel bonheur dans ce temps-là ! quelle liberté ! quel espoir ! quelle abondance d’illusions ! Il n’en restait plus maintenant ! Elle en avait dépensé à toutes les aventures de son âme, par toutes les conditions successives, dans la virginité, dans le mariage et dans l’amour ; – les perdant ainsi continuellement le long de sa vie, comme un voyageur qui laisse quelque chose de sa richesse à toutes les auberges de la route. Mais qui donc la rendait si malheureuse ? où était la catastrophe extraordinaire qui l’avait bouleversée? Et elle releva la tête, regardant autour d’elle, comme pour chercher la cause de ce qui la faisait souffrir.

Madame Bovary, G. Flaubert

Charles est entraîné par le pharmacien dans une opération qui semble facile mais qui est périlleuse. Le malade après une première phase ou l’opération semble s’être bien déroulé, attrape la gangrène et doit être amputée. Charles est humilié, et Emma lui en veut.

Emma, en face de lui, le regardait ; elle ne partageait pas son humiliation, elle en éprouvait une autre : c’était de s’être imaginé qu’un pareil homme pût valoir quelque chose, comme si vingt fois déjà elle n’avait pas suffisamment aperçu sa médiocrité. (…)
Comment donc avait-elle fait (elle qui était si intelligente !) pour se méprendre encore une fois ? Du reste, par quelle déplorable manie avoir ainsi abîmé son existence en sacrifices continuels ? Elle se rappela tous ses instincts de luxe, toutes les privations de son âme, les bassesses du mariage, du ménage, ses rêves tombant dans la boue comme des hirondelles blessées, tout ce qu’elle avait désiré, tout ce qu’elle s’était refusé, tout ce qu’elle aurait pu
avoir ! et pourquoi ? pourquoi ?

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma en regrette même d’avoir eu des états d’âme concernant l’adultère et recommence de plus belle à se consoler dans les bras de Rodolphe :

Tout en lui l’irritait maintenant, sa figure, son costume, ce qu’il ne disait pas, sa personne entière, son
existence enfin. Elle se repentait, comme d’un crime, de sa vertu passée, et ce qui en restait encore s’écroulait sous les coups furieux de son orgueil. Elle se délectait dans toutes les ironies mauvaises de l’adultère triomphant. Le souvenir de son amant revenait à elle avec des attractions vertigineuses : elle y jetait son âme, emportée
vers cette image par un enthousiasme nouveau (…)

Madame Bovary, G. Flaubert

Cette tendresse, en effet, chaque jour s’accroissait davantage sous la répulsion du mari, et plus elle se livrait à l’un, plus elle exécrait l’autre ; jamais Charles ne lui paraissait aussi désagréable, avoir les doigts aussi carrés, l’esprit aussi lourd, les façons si communes qu’après ses rendez-vous avec Rodolphe (…)

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma se met à dépenser de plus belle, et elle offre même des cadeaux à Rodolphe, cadeaux qui l’ennuient. Peu à peu, Emma devient de moins en moins timide, elle ose des choses et rêve que Rodolphe la “sauve” et l’emmène.

Jamais madame Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque ; elle avait cette indéfinissable beauté qui résulte de la joie, de l’enthousiasme, du succès, et qui n’est que l’harmonie du tempérament avec les circonstances.

Madame Bovary, G. Flaubert

La veille de leur fuite, Rodolphe écrit une lettre à Emma pour la quitter. Emma est désormais complètement abattue et ne se lève plus de son lit. Quand elle réussit à se lever, s’est pour se jeter corps et âme dans la religion. Le pharmacien souffle l’idée à Charles Bovary d’emmener sa femme au spectacle à Rouen pour la divertir. Mais ils y rencontrent Léon et l’amour qu’Emma et Léon ont l’un pour l’autre les entraîne dans une aventure.

(Emma Bovary à Léon)
– Ce qu’il y a de plus lamentable, n’est-ce pas, c’est de traîner, comme moi, une existence
inutile ?

Madame Bovary, G. Flaubert

Peu à peu, la relation entre Emma et Léon prend forme. Il est plus jeune qu’elle et elle est plue expérimentée que lui.

Il ne discutait pas ses idées ; il acceptait tous ses goûts ; il devenait sa maîtresse
plutôt qu’elle n’était la sienne.

Madame Bovary, G. Flaubert

Mais l’attitude d’Emma effraie peu à peu Léon.

Il n’osait lui faire des questions ; mais, la discernant si expérimentée, elle avait dû passer, se disait-il, par toutes les épreuves de la souffrance et du plaisir. Ce qui le charmait autrefois l’effrayait un peu maintenant. D’ailleurs, il se révoltait contre l’absorption, chaque jour plus grande, de sa personnalité.

Madame Bovary, G. Flaubert

Et comme avec Rodolphe, peu à peu la passion laisse place à la lassitude. Emma est malheureuse.

Léon lui parut soudain dans le même éloignement que les autres. « Je l’aime pourtant ! » se disait-elle ; n’importe ! elle n’était pas heureuse, ne l’avait jamais été. D’où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s’appuyait ?… Mais s’il y avait quelque part un être fort et beau, une nature valeureuse, pleine à la fois d’exaltation et de raffinements, un cœur de poète sous une forme d’ange, lyre aux cordes d’airain, sonnant vers le ciel des épithalames élégiaques, pourquoi, par hasard, ne le trouverait-elle pas ?
Oh ! quelle impossibilité ! Rien, d’ailleurs, ne valait la peine d’une recherche, tout mentait !
Chaque sourire cachait un bâillement d’ennui, chaque joie une malédiction, tout plaisir son dégoût, et les meilleurs baisers ne vous laissaient sur la lèvre qu’une irréalisable envie d’une volupté plus haute.

Madame Bovary, G. Flaubert

Ses dépenses la rattrappent. Elle a accumulé des dettes et s’enfonce dans le déni.

Pour ne pas avoir la nuit auprès d’elle, cet homme étendu qui dormait, elle finit, à force de grimaces, par le reléguer au second étage ; et elle lisait jusqu’au matin des livres extravagants où il y avait des tableaux orgiaques avec des
situations sanglantes.

Madame Bovary, G. Flaubert

L’adultère n’a plus aucune saveur.

Elle était aussi dégoûtée de lui qu’il était fatigué d’elle. Emma retrouvait dans l’adultère toutes les platitudes du mariage.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma s’enfonce de plus en plus dans ses rêveries romanesques.

Mais, en écrivant, elle percevait un autre homme, un fantôme fait de ses plus ardents souvenirs, de ses lectures les plus belles, de ses convoitises les plus fortes ; et il devenait à la fin si véritable, et accessible, qu’elle en palpitait émerveillée, sans pouvoir néanmoins le nettement imaginer, tant il se perdait, comme un dieu, sous l’abondance de ses attributs. Il habitait la contrée bleuâtre où les échelles de soie se balancent à des balcons, sous le souffle des fleurs, dans la clarté de la lune. Elle le sentait près d’elle, il allait venir et l’enlèverait tout entière dans un baiser.

Madame Bovary, G. Flaubert

Le piège se referme sur Emma. Elle ne peut rembourser son débiteur et les huissiers viennent saisir ses biens.

Elle fut stoïque, le lendemain, lorsque Me Hareng, l’huissier, avec deux témoins, se présenta chez elle pour faire le procès-verbal de la saisie. (…) Et il inclina les papiers, légèrement, comme pour en faire tomber des napoléons. Alors l’indignation la prit, à voir cette grosse main, aux doigts rouges et mous comme des limaces, qui se
posait sur ces pages où son cœur avait battu.

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma va tenter de se procurer de l’argent auprès de son premier amant, Rodolphe. Ce dernier dit ne pas avoir un sou. Elle lui en veut.

moi, je t’aurais tout donné, j’aurais tout vendu, j’aurais travaillé de mes mains, j’aurais mendié sur les routes, pour un sourire, pour un regard, pour t’entendre dire merci ! Et tu restes là tranquillement dans ton fauteuil, comme si déjà tu ne m’avais pas fait assez souffrir ? Sans toi, sais-tu bien, j’aurais pu vivre heureuse !

Madame Bovary, G. Flaubert

– Ah ! c’est bien peu de chose, la mort ! pensait-elle ; je vais m’endormir, et tout sera fini !

Madame Bovary, G. Flaubert

Emma Bovary choisit de se donner la mort pour échapper à ses problèmes.


📖 Le bovarysme, c’est quoi ?

Le terme vient bien sûr du personnage d’Emma, mais il a été théorisé par Jules de Gaultier au début du XXᵉ siècle :

Le bovarysme est la faculté qu’a l’homme de se concevoir autre qu’il n’est.

Le bovarysme, c’est donc :

  • Une insatisfaction chronique vis-à-vis du présent, de la banalité, de la routine
  • Une aspiration vers un ailleurs qui semble plus beau, plus noble, plus vibrant
  • Parfois, une difficulté à se satisfaire du réel, avec tendance à s’évader dans l’imaginaire, les projets idéalisés, les histoires romanesques.

Madame Bovary : le contexte de l’oeuvre

💡Madame Bovary de Gustave Flaubert s’inscrit dans le contexte de la France du XIXᵉ siècle, une période marquée par d’importants bouleversements sociaux, politiques et littéraires.

  • Le roman a été publié en 1857, à l’époque du Second Empire, mais l’intrigue se déroule plus tôt, dans la Normandie rurale, entre les années 1830 et 1840, soit au cœur de la Monarchie de Juillet.

  • Cette époque est celle des mutations sociales : la bourgeoisie provinciale, dont Flaubert offre un portrait critique, se trouve confrontée à l’émergence du matérialisme et aux aspirations frustrées d’élévation sociale et intellectuelle.
  • Les rêves d’Emma Bovary, ses illusions et ses désillusions, reflètent le décalage entre la vie provinciale traditionnelle et les idéaux romanesques et modernes, véhiculés par la littérature romantique.
  • Du point de vue littéraire, le roman marque une rupture décisive avec le romantisme. Flaubert, influencé lui-même par ce courant dans sa jeunesse, en critique ici les excès : Emma Bovary est victime de ses lectures idéalistes et sentimentales.
  • Madame Bovary s’impose comme l’un des premiers grands romans réalistes : Flaubert cherche à représenter la société et l’individu sans idéalisation. Il n’y aura d’ailleurs pas de happy end !
  • Enfin, la publication du roman déclenche un scandale. À sa sortie, Madame Bovary est poursuivi pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs » : la description franche de l’adultère, du désir et de la condition féminine heurte la morale bourgeoise contemporaine. Il y a un procès et Flaubert est acquitté.

À RETENIR: Madame Bovary est un roman qui s’inscrit pleinement dans les tensions sociales, morales et littéraires de la France du XIXᵉ siècle : il offre une critique féroce de la bourgeoisie de province, de l’idéal romantique, et interroge la place de la femme dans une société française rurale en mutation.

Madame Bovary : les lieux

  • L’intrigue se déroule en Normandie.
  • Charles étudie la médecine à Rouen puis il rejoint le village de Tostes qui a besoin d’un médecin.
  • Quand Emma se met à aller de plus en plus mal, Charles décide d’aller s’installer à Yonville, un bourg un peu plus au nord, pour changer d’air. La deuxième partie du roman démarre lorsque le couple s’installe à Yonville.
  • Flaubert décrit l’endroit de manière peu flatteuse “On est ici sur les confins de la Normandie, de la Picardie et de l’Île-de-France, contrée bâtarde où le langage est sans accentuation, comme le paysage sans caractère. C’est là que l’on fait les pires fromages de Neufchâtel de tout l’arrondissement, et, d’autre part, la culture y est coûteuse, parce qu’il faut beaucoup de fumier pour engraisser ces terres friables pleines de sable et de cailloux.”
Carte de la France avec les villes de Paris, Rouen, Tostes, Yonville indiquées.
Les lieux dans le roman Madame Bovary (Polyglottes.org)

Pour aller plus loin : l’idéal romantique

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