Le recueil de poèmes Mes forêts d’Hélène Dorion est au programme du Bac de français. Il est rare d’avoir au programme des auteurs et encore plus des auteures (contemporains qui plus est), et ce recueil résonne avec les défis environnementaux de notre époque ce qui rend sa lecture particulièrement parlante. Voici un commentaire linéaire complet du premier poème du recueil, qui s’intitule également “Mes forêts”. Le commentaire vous aidera à vous préparer à l’oral du Bac de français.

“Mes forêts” : commentaire linéaire du poème d’Hélène Dorion – Bac de français
“Mes forêts” est un court poème. Il y a 4 strophes qui sont de plus en plus courtes (10 vers, puis 5 vers, puis 4 vers puis 2 vers).
Introduction
“Mes forêts”, poème liminaire du recueil éponyme d’Hélène Dorion, offre une plongée dans un univers poétique où nature, temps et intériorité s’entremêlent. Publié en 2020, ce texte s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de Dorion, poétesse québécoise reconnue pour son exploration des thèmes de l’identité, de la mémoire et du rapport au monde.
Dès les premiers vers, le lecteur est invité à pénétrer dans un espace à la fois physique et métaphorique, où les forêts deviennent le miroir de l’âme du poète. Ce poème soulève ainsi une question fondamentale : comment l’auteure parvient-elle à utiliser l’image de la forêt pour explorer les liens profonds entre nature, temporalité et intériorité ? Pour répondre à cette interrogation, nous examinerons d’abord comment la forêt est présentée comme un espace de convergence temporelle, puis nous analyserons la manière dont elle reflète l’intériorité du poète, avant d’explorer son rôle comme lieu de création poétique.
Mouvements
Mouvement 1 : La forêt comme espace de convergence temporelle
Dans ce poème, Hélène Dorion représente tout d’abord la forêt comme un lieu où convergent différentes dimensions temporelles.
- Dès le premier vers, la métaphore “Mes forêts sont de longues traînées de temps” établit un lien direct entre l’espace forestier et la temporalité. Cette image évocatrice suggère un étirement du temps, renforcé par l’allitération en “t” qui crée un effet de continuité.
- Le zeugme “elles sont des aiguilles qui percent la terre / déchirent le ciel” associe la verticalité des arbres à une action violente sur le temps et l’espace. Cette figure de style souligne la capacité de la forêt à transcender les frontières temporelles et spatiales. L’ “heure bleue” et les “souvenirs” renforcent le champ lexical du temps.
- La personnification du temps se poursuit avec l’image des “étoiles qui tombent / comme une histoire d’orage”, créant une synesthésie qui mêle vision et narration.
- Le mouvement de la forêt vers le ciel retombe avec le mouvement inverse causant la chute des étoiles.
- Le champ lexical du mouvement (“tombent”, “vif”, “se pose”, “qui va”., “voyage”..) montre que la forêt est le théâtre d’événements cosmiques qui marquent le passage du temps, qui créent des cycles (du sol vers le ciel, du ciel vers le sol).
- L’oxymore “voyages immobiles” illustre parfaitement la tension entre permanence et changement au sein de la forêt. Cette figure de style capture l’essence d’un lieu qui, bien qu’enraciné, est en constante évolution.
- “L’aile” et “le coeur” suggèrent la vie tandis que l’humus suggère au contraire la mort. Les forêts sont donc aussi le lieu où existe ce cycle de la vie et de la mort.

Ainsi, Dorion transforme la forêt en un creuset temporel où se fondent passé, présent et futur, où s’agit un mouvement allant du sol au ciel et revenant en sens inverse et où existe le cycle de la vie et de la mort, créant ainsi un espace poétique riche en résonances temporelles.
Mouvement 2 : La forêt comme miroir de l’intériorité du poète
Par ailleurs, dans ce poème d’Hélène Dorion, la forêt est utilisée comme un miroir de l’intériorité du poète.
L’anaphore “mes forêts sont” avec l’usage du possessif “mes” renforce l’idée que la forêt est une projection de l’intériorité du poète.
Le second mouvement commence avec le vers “mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes” qui est une métaphore puissante associant la forêt à un espace de mémoire et d’émotions passées. La métaphore du grenier peut faire référence à l’esprit, à l’inconscient, qui garde des souvenirs que nous n’avons pas intégrés et où se trouvent des choses qui n’existent pas tout à fait.
Si les forêts sont pour la poète ” les mâts de voyages immobiles”, c’est que les troncs des arbres permettent d’atteindre le ciel. L’oxymore : “voyages immobiles” illustre la tension entre le mouvement intérieur et l’immobilité physique, reflétant les contradictions de l’expérience intérieure.
Les forêts sont un “jardin de vent où se cognent les fruits / d’une saison déjà passée”, créant une image paradoxale qui mêle le cultivé (jardin) et le sauvage (vent). Les fruits qui “se cognent” sont personnifiés, donnent une impression de mouvement et de vie à des éléments naturels inanimés. Les fruits représentent potentiellement les souvenirs ou les expériences passées qui persistent dans notre mémoire.
Ensuite, L’expression “d’une saison déjà passée” évoque le passage du temps et le cycle des saisons, thèmes récurrents dans ce poème.
Il s’agit là d’une synesthésie : L’image combine des sensations tactiles (se cognent) et visuelles (jardin, fruits) pour créer une expérience sensorielle complexe.
Enfin, l’antithèse entre “une saison déjà passée” et “qui s’en retourne vers demain” crée un effet de cycle temporel. Cette figure souligne la nature cyclique du temps dans la forêt, où passé et futur se rejoignent dans un présent éternel.
Hélène Dorion transforme la forêt en un paysage intérieur, lui permettant d’explorer et d’exprimer ses émotions, ses souvenirs et ses réflexions les plus profondes.
Mouvement 3 : La forêt comme espace de création poétique
La dernière strophe du poème est riche en images poétiques. La forêt est un espace de création poétiques pour le poète.
“Mes forêts sont mes espoirs debout” compare directement les forêts aux espoirs du poète, insistant sur leur dimension verticale et vivante et leur liens au poète, pour qui elles constituent des espoirs. Le lien est renforcé par la répétition du possessif “mes”.
Le lien entre “un feu de brindilles / et de mots” mêle le visuel (feu) et le verbal (mots), créant une image sensorielle complexe qui lie la nature à la création poétique, qui crée une fusion entre nature et langage. La forêt est le lieu de cette création. La métaphore du feu peut évoquer le feu sacré, l’inspiration, l’étincelle.

Le vers “les ombres font craquer” donne vie aux ombres, suggérant une forêt animée et mystérieuse. La forêt est vivante, elle agit. Il y a aussi une dimension onirique et symbolique dans ce vers.
Le mouvement de la forêt est contredit par l’oxymore “le reflet figé de la pluie” combine l’immobilité (figé) et le mouvement (pluie). La forêt est mouvement et figement à la fois.
Le court poème s’achève sur l’hyperbole : “des nuits très hautes”, amplifiant la verticalité déjà évoquée, le mouvement de la forêt vers le ciel, donnant une dimension presque cosmique à la forêt.
Cette strophe illustre comment Dorion utilise la forêt comme miroir de l’intériorité, mêlant espoir, création poétique et mystère. La forêt devient un espace où se rencontrent le tangible et l’intangible, le réel et l’imaginaire, reflétant la complexité de l’expérience humaine et de la création artistique
Conclusion
En conclusion, le poème liminaire de “Mes forêts” d’Hélène Dorion offre une exploration poétique profonde de la relation entre la nature, le temps et l’intériorité humaine. À travers des images saisissantes et des figures de style variées, Dorion transforme la forêt en un espace métaphorique riche de sens. La forêt y apparaît comme un lieu de convergence temporelle, où passé, présent et futur se mêlent dans un cycle perpétuel. Elle devient également le miroir de l’intériorité du poète, reflétant ses émotions, ses souvenirs et ses espoirs. Enfin, la forêt se révèle être un espace propice à la création poétique, où les mots et la nature s’entremêlent pour donner naissance à une expression unique.
Ce poème pose ainsi les fondations du recueil entier, invitant le lecteur à une exploration intime de la nature et de soi-même. Il illustre parfaitement le parcours “La poésie, la nature, l’intime” en montrant comment ces trois éléments sont inextricablement liés dans l’œuvre de Dorion. En définitive, ce poème nous rappelle que la nature n’est pas seulement un décor extérieur, mais un espace vivant qui résonne avec notre être le plus profond, offrant un terrain fertile pour l’introspection et la création poétique.
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