Après notre premier épisode consacré sur la manière de devenir polyglotte, dans lequel nous avons mis l’accent sur la définition des termes multilingue, bilingue et polyglotte, nous allons voir aujourd’hui que nombreux sont les polyglottes qui n’ont pas appris les langues avec des bouquins Assimil et qui parlent plusieurs langues tout naturellement car ils vivent dans des pays où de nombreuses langues coexistent. Ce sont les “polyglottes accidentels“.
Le Polyglotte “Apprenant”
Manuels, méthodes, efforts conscients.
Apprentissage formelLe Polyglotte “Né”
Immersion, famille, nécessité sociale.
Acquisition naturelle
Bienvenue dans l’univers de la multidialectie et du multilinguisme sociétal.
Sommaire de l’Épisode 2
Objectif Examen Tu prépares le DELF, DALF, TCF, TOEIC, TOEFL ou IELTS ? On t’accompagne vers la réussite ✉️

Comment devient-on polyglotte ? Épisode 2 : les polyglottes accidentels
1. Pays fortement multilingues VS pays à faible diversité linguistique
On compterait environ 6 900 langues à travers le monde et il existe des pays où un nombre incroyable de langues sont parlées.
Selon vous, quel pays se trouve en haut du podium ?
Prendre de la hauteur sur les chiffres
Non, vous ne rêvez pas : 839 langues dans le même pays. La géographie expliquerait cet isolement et l’émergence d’une telle diversité linguistique.
L’avis de Marie, Responsable de formation et polyglotte : Ces chiffres fournissent un ordre d’idées, car les débats persistent sur la manière de compter les langues (écrites vs parlées, inclusion des dialectes…).
Ce pays multilingue est suivi par l’Indonésie, puis par le Nigéria.
Le cas de la Corée du nord
À l’inverse, la Corée du Nord est le pays présentant la diversité linguistique la plus faible au monde.
Analyse : Si l’isolement géographique en Papouasie a favorisé l’explosion des langues, l’isolement politique et l’hermétisme des frontières produisent ici l’effet inverse : un monolinguisme quasi absolu.
Vous pouvez consulter ici une carte montrant la répartition mondiale des pays à faible ou forte diversité linguistique.
Les foyers de la diversité mondiale
Au-delà des records individuels, des régions entières vibrent au rythme de centaines de langues.
Asie du Sud-Est
Un carrefour complexe de familles linguistiques millénaires.
Afrique Centrale
Le cœur battant du multilinguisme sociétal au quotidien.
Mexique
Une richesse de langues autochtones qui résiste et perdure.
Indice de diversité linguistique
Une carte de la National Geographic montre également l’indice de diversité linguistique dans le monde.
Le Point Terminologique
L’indice de diversité linguistique (IDL)
Aussi appelé indice de Greenberg, cet indicateur mesure la probabilité que deux personnes d’un même pays, choisies au hasard, aient des langues maternelles différentes.
Comprendre le score :
- Proche de 1 : Diversité totale (probabilité quasi certaine de ne pas parler la même langue).
- Proche de 0 : Homogénéité totale (tout le monde parle la même langue).
Lorsque l’indice est proche de 0 (en vert sur la carte) cela signifie que la diversité linguistique est faible, et lorsque l’indice est proche de 1 cela signifie que la diversité linguistique est élevée :

L’Europe et la diversité linguistique
Le paradoxe européen
Contrairement aux idées reçues, l’Europe est un continent qui présente globalement une faible diversité linguistique par rapport aux foyers africains ou asiatiques.
Linguistic Diversity and New Minorities in Europe
Ce document clé du Conseil de l’Europe analyse comment l’homogénéité nationale s’est construite historiquement au détriment de la diversité.
Consulter le rapport officiel (PDF)Contrairement à d’autres régions du monde, notamment les États australasiens ou africains, les États-nations européens se considèrent comme monolingues ou, à tout le moins, bilingues si leur espace est divisé en territoires ayant des langues principales différentes.
Grande diversité linguistique = culture hétérogène
En général, une faible variété de langues va de pair avec une culture homogène, alors qu’une grande diversité linguistique reflète souvent un plus grand nombre de peuples et de cultures, ou encore une position géographique ancienne sur des routes commerciales (le cas du Kazakhstan par exemple) :
Faible Variété Linguistique
Souvent liée à une culture homogène et une structure étatique centralisée.
Stabilité / UnitéGrande Diversité Linguistique
Reflet d’une mosaïque de peuples et de cultures coexistantes.
Richesse / ComplexitéPosition Géographique Stratégique
Anciennes routes commerciales (ex: Kazakhstan). Le brassage des langues par le passage et l’échange.
Carrefour HistoriqueL’Analyse de Polyglottes : les langues se créent en fonction du territoire
Ce que tu observes sur le terrain est validé par la biogéographie linguistique. Voici les trois piliers qui expliquent ce phénomène :
Le Gradient de Diversité
Comme pour la biodiversité, la variété des langues explose près de l’équateur. L’abondance des ressources favorise l’isolement et la divergence linguistique.
Le Modèle de Daniel Nettle
Le linguiste a démontré que là où la survie est risquée, l’humain crée de vastes réseaux de solidarité qui “lissent” la langue par nécessité de cohésion.
L’Effet “Sprachbund”
Le Kazakhstan est une “zone de convergence”. Le commerce (Route de la Soie) impose une flexibilité cognitive et une nécessité de négociation permanente.
L’enseignement pour toi : Une langue, ça ne sort pas juste de nulle part, ce n’est pas qu’une pure invention humaine.
2. Les polyglottes “accidentels” : entre apprentissage formel et apprentissage informel
Les Polyglottes “accidentels”
Ce ne sont pas des génies, ce sont des voisins. Ils vivent là où plusieurs langues se croisent chaque jour.
Ils ne sont pas une minorité : ils représentent des centaines de millions de personnes.
En effet, on peut dire que le multilinguisme à l’échelle collective est plutôt la norme qu’une exception dans le monde.
Le Modèle français
Un socle commun, des apprentissages encadrés.
Prenons des exemples autour de nous : en France, le paysage linguistique est structuré par l’institution :
La langue socle, parlée par tous.
Appris dès le plus jeune âge, maîtrisé à divers niveaux.
La “LV2” du collège et lycée, souvent académique.
D’autres ont suivi une 3e langue, dans laquelle ils ont quelques notions. De nombreuses personnes parlent aussi une langue régionale, l’alsacien en Alsace par exemple, ou encore le corse, le basque, l’occitan ou le breton.
Les langues, trésors des régions de France
Beaucoup de personnes en France parlent aussi une langue régionale, héritage vivant de notre territoire.
Pour être multilingue, il n’est ni nécessaire, ni possible de maîtriser toutes les langues au même niveau.
En Tunisie, en Algérie et au Maroc, tout le monde ou presque parle français, et l’arabe tunisien (darija) ou l’arabe marocain ou l’arabe algérien.
Le multilinguisme du Maghreb
Un carrefour naturel de langues et de cultures.
Le quotidien
Usage fluide et naturel de la Darija (arabe dialectal) entremêlée de français.
L’académique
L’arabe classique (Fusha), langue de l’école, de l’administration et des médias.
L’informel
L’italien (via Rai 1 en Tunisie), l’anglais des jeunes générations et le tourisme.
L’anecdote de Marie : Je connais très bien la Tunisie pour y avoir vécu et travaillé. En Tunisie, la proximité géographique et l’influence de la télévision italienne ont créé des milliers de locuteurs d’italien “par imprégnation”, sans jamais ouvrir un manuel scolaire. Viva Rai 1 !
Les Tunisiens sont donc nombreux à être quadrilingues !
Et on peut continuer comme ça dans différents pays du monde…
D’ailleurs, les langues officielles d’un pays ne sont pas représentatives de la diversité linguistique de celui-ci (voir ici). Par exemple, la Tunisie a uniquement pour langue officielle l’arabe.
Alors on peut se demander comment ces polyglottes apprennent de multiples langues.
Comment les polyglottes apprennent-ils les multiples langues de leur pays ou territoire ?
Une étude assez récente de Noprival et Al. (2019) et intitulée Breaking the Secrets behind the Polyglots : How Do They Acquire Many Languages? s’est intéressée à l’apprentissage des langues chez des Indonésiens polyglottes.
Breaking the Secrets behind the Polyglots
L’Indonésie est l’un des foyers linguistiques les plus denses au monde (Source : Ethnologue).
Le focus de la recherche :
Comment des individus vivant dans cet archipel parviennent-ils à acquérir autant de langues ? L’étude révèle que le secret réside souvent dans la nécessité sociale et l’immersion naturelle plutôt que dans les méthodes académiques classiques.
L’apprentissage par l’écosystème
Les personnes vivant dans un pays multilingue, comme l’Indonésie, ont de fortes chances de devenir polyglottes. La présence de centaines de langues régionales crée un environnement où la plupart des citoyens sont, par nature, au moins bilingues.
Bien que l’étude ait porté sur un échantillon restreint (7 participants) elle nous apprend certaines choses. Les polyglottes en question, qui parlent minimum 4 langues, les ont apprises grâce l’apprentissage formel d’un côté:
- à l’école (notamment la langue officielle de l’Indonésie, le bahasa, et l’anglais)
- à travers l’enseignement religieux, dans les madrasahs (c’est le cas de l’arabe)
mais aussi grâce à l’auto-apprentissage (sans l’aide d’un professeur, selon la définition de (Dickinson) :
- via des livres, manuels et dictionnaires
- via les TIC (technologies de l’information et de la communication) : sites Web et ressources sur le Web, VK, Youtube, WhatsApp…L’étude a montré que pour les participants, les TIC ont été utilisés pour renforcer l’apprentissage formel réalisé en classe.
- en se déplaçant dans un lieu où une autre langue est parlée et en communiquant avec les membres de ces groupes (acculturation)
L’étude a aussi montré que l’apprentissage ne se faisait pas de la même façon selon la langue : la langue maternelle (qui peut être une langue régionale) est essentiellement acquise de manière informelle, la langue officielle du pays est acquise via l’instruction formelle et les langues étrangères sont acquises soit via l’instruction formelle soit via l’auto-apprentissage.
Synthèse de l’étude : les chemins de l’acquisition
Comment les polyglottes indonésiens segmentent leur apprentissage (Noprival et al., 2019)
- L’École : Pour la langue officielle (Bahasa) et l’Anglais.
- Le Religieux : Madrasahs pour l’Arabe.
- Structure : Cadre académique et professeurs.
- Ressources : Livres, manuels et dictionnaires.
- Digital (TIC) : YouTube, WhatsApp, Web (renfort du formel).
- Acculturation : Immersion et communication directe.
Acquisition selon la nature de la langue
3. Diversité linguistique mais peu de présence dans la société de connaissance : le cas des langues africaines
L’Afrique : épicentre de la diversité linguistique mondiale
Là où le multilinguisme est la base
Source : Abolou (2006)
Un record de densité
Source : Welmets
L’analyse de Marie : L’explosion des chiffres entre 1970 et aujourd’hui montre une meilleure reconnaissance de la richesse linguistique. Comme le soulignent Cécile Canut et l’étude d’Abolou, l’Afrique nous apprend que la langue est un lien social mouvant, bien plus qu’une simple grammaire figée.
Consulter l’article sur Cairn.info ↗L’auteur (Camille Abolou) explique que nous vivons dans une société de la connaissance où l’information est un bien marchand. En Afrique, cela crée un déséquilibre entre deux marchés :
- Le marché global (monopolistique) : Domine par les langues coloniales (français, anglais). C’est le véhicule de la modernité, de la science et du numérique. Il exclut pourtant 80 à 90 % de la population qui ne maîtrise pas ces “langues de crête”.
- Le marché local (volatile) : Riche de 2000 langues, mais “handicapé” par des difficultés de numérisation (tons, graphies complexes). Il reste confiné à l’oralité et aux traditions villageoises.
1. Quelle langue ?
2. Quel mode d’apprentissage ?
Apprentissage Formel
- Instruction scolaire
- Aménagement du Corpus
- Grammatisation
Auto-apprentissage & Numérique
- TIC (YouTube, WhatsApp)
- Numérisation
- Forums & Réseautage
Dynamique des marchés linguistiques
Afrique Sub-saharienne : entre modernité et tradition
+ 2000 langues africaines (Patrimoine, identité, terroir).
Connaissances particulières : musique, artisanat, pharmacopée.
Langues héritées (occidentales) : français, anglais, portugais.
Connaissances universelles : science, droit, médecine, technologies.
Marché Local
2 000+ langues (Indice de diversité : 185,6).
Traditionnelles et limitées (calendriers, contes, religieux). Exception : Swahili.
Marché Global
Français, Anglais, Portugais, Espagnol.
Éditions en ligne, didacticiels, logiciels, smartphones.
Uniformisation des modes de vie et profits symboliques pour les élites urbaines.
L’Exception du swahili
Contrairement à la majorité des langues africaines restées “collées” aux réalités communautaires de base, le Swahili s’est imposé comme une véritable langue internationale.
- Le passage de l’arbre à palabre au forum : L’auteur note que la page Web transforme la connaissance communautaire en connaissance individuelle. Apprendre une langue n’est plus seulement hériter d’une culture, c’est s’équiper d’un outil de pouvoir individuel dans le marché global.
- La “guerre” des standards : Le fait que les TIC excluent les langues africaines depuis 1963 n’est pas un accident, c’est un système vertical. Apprendre les “langues de crête” (anglais/français) est la clé d’accès à la science, mais cultiver ses “langues de base” est la clé de l’identité. Le polyglotte idéal est celui qui navigue entre les deux sans complexe.
- Le multilinguisme convivial : L’auteur prône un bilinguisme où l’on utilise la langue de crête pour l’ouverture internationale et la langue de base pour l’intégration nationale. Apprendre une langue, c’est créer un réseau.
Pourquoi apprendre (de manière formelle ou informelle) plusieurs langues ?
C’est un sujet à part entière, alors avant de vous en parler dans un prochain épisode, voici un micro-trottoir à la rencontre de personnes en Afrique de l’Ouest, qui disent quelles langues elles parlent, expliquent la manière dont elles les ont apprises et pourquoi elles en parlent plusieurs (c’est sous-titré) :
Polyglottes accidentels et polyglossie : récap 💡
Clique sur chaque mot-clé pour dévoiler une explication…
Biogéographie linguistique
C’est la science qui prouve que ton environnement dicte tes langues ! Plus les ressources sont abondantes (Équateur), plus les langues se multiplient. Moins elles le sont, plus on unifie la langue pour survivre ensemble.
Indice de Greenberg
Aussi appelé IDL. S’il est proche de 1 (comme en Papouasie), tu as 100% de chances que ton voisin ne parle pas ta langue maternelle. Un vrai moteur pour devenir polyglotte “par accident” !
Effet “Sprachbund”
L’effet “carrefour”. Quand des langues différentes cohabitent sur une route commerciale (ex: Route de la Soie), elles finissent par s’emprunter des structures et des mots par pure efficacité.
Multilinguisme Convivial
Un concept clé pour l’Afrique : utiliser une “langue de crête” (ex: Français) pour l’ouverture au monde et une “langue de base” (ex: Wolof) pour l’identité, sans que l’une n’écrase l’autre.
Acculturation
Selon l’étude indonésienne (2019), c’est le secret des polyglottes : ils ne se contentent pas de livres, ils se déplacent et communiquent physiquement avec les membres d’autres groupes.
Paradoxe Européen
L’idée fausse que le monolinguisme est la norme. En réalité, l’Europe est une exception historique “une nation = une langue”, alors que le reste du monde vibre au rythme de la pluralité.
Voilà pour aujourd’hui. Cet épisode vous a plu ? Posez-nous vos questions ou réagissez en commentaires et abonnez-vous au blog pour rester au fait de nos actualités !
❓ Réussir tes certifications : Tes questions, nos réponses d’experts
Découvre comment l’approche des polyglottes accidentels booste tes scores aux examens.
Comment la méthode des “polyglottes accidentels” m’aide pour le DELF ou le DALF ? ▼
Les polyglottes accidentels n’apprennent pas avec des livres de grammaire, ils apprennent par besoin vital. Pour ton DELF ou DALF, on transforme ton apprentissage : au lieu de subir la théorie, on crée un écosystème où tu utilises la langue pour résoudre des situations concrètes. C’est ce passage à l’action qui débloque la fluidité nécessaire pour les niveaux B2 et C1.
Puis-je viser un score élevé au TOEIC, TOEFL ou IELTS sans vivre à l’étranger ? ▼
C’est le secret de la biogéographie linguistique : ton cerveau ne fait pas la différence entre une rue à Londres et un écosystème numérique bien conçu chez toi. En simulant l’urgence de communication dont bénéficient les polyglottes accidentels, tu peux obtenir des scores d’excellence à l’IELTS ou au TOEFL depuis ton salon.
Pourquoi le TCF ou le DELE sont-ils plus accessibles avec cette approche ? ▼
Ces examens testent ton agilité culturelle et ta capacité à fonctionner dans le monde réel. En adoptant la psychologie des polyglottes accidentels, tu arrêtes de chercher la perfection scolaire pour viser l’efficacité pragmatique. C’est cette confiance et cette réactivité qui font la différence devant les examinateurs du TCF ou du DELE.
Prête à transformer ton “accident géographique” en réussite diplomante ?
< 📩 Prépare ta certification avec nousPassons à l’action ensemble
Vous souhaitez passer un examen de langue (DELF DALF TCF (français) ou IELTS TOEFL TOEIC (anglais) mais vous ne savez pas par où commencer ? Nos professeurs vous accompagnent pour vous faire réussir.
“Le meilleur moment pour commencer, c’était il y a 10 ans. Le deuxième meilleur moment, c’est aujourd’hui.”
En savoir plus sur Polyglottes
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
L’analyse de Marie, responsable de formation (Polyglottes.org) et polyglotte : En Europe, nous sommes habitués à un modèle “une nation = une langue”. Cette structure politique a fini par nous faire percevoir le multilinguisme comme une exception, alors qu’il est la règle partout ailleurs.