Comparaison des styles d’écriture de 4 écrivains français célèbres : Gustave Flaubert, Colette, Albert Camus, Marguerite Duras

Dans cet article, nous allons explorer les styles d’écriture de quatre écrivains français majeurs de la fin du XIXe jusqu’à la fin du XXe siècle : Gustave Flaubert, Colette, Albert Camus, Marguerite Duras.

Dans cet article, nous allons explorer les styles d'écriture de quatre écrivains français majeurs de la fin du XIXe jusqu'à la fin du XXe siècle : Gustave Flaubert, Colette, Albert Camus, Marguerite Duras.

Comparaison des styles d’écriture de 4 écrivains français célèbres : Gustave Flaubert, Colette, Albert Camus, Marguerite Duras

Brève chronologie des auteurs français de la fin du XIXe-fin du XXe

Voici une chronologie d’auteurs français de premier plan ayant vécu entre la fin du XIXe siècle et la fin du XXe siècle.

La frise n’est pas exhaustive. Elle permet de voir quels sont les auteurs importants qui ont vécu à la même époque.

Chronologie des principaux auteurs français de la fin du XIXe jusqu'à la fin du XXe siècle (non exhaustive) - Tous droits réservés
Chronologie des principaux auteurs français de la fin du XIXe jusqu’à la fin du XXe siècle (non exhaustive) – Tous droits réservés

Gustave Flaubert (1821-1880)

Gustave Flaubert est connu pour son style d’écriture dense et complexe, qui met l’accent sur la précision et l’exactitude. Il maîtrise l’art des métaphores (même si Proust n’est pas du tout de cet avis !).

Il accorde de l’importance au style, le livre parfait selon lui « « se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l’air ».

Dans son roman le plus célèbre, Madame Bovary, Flaubert utilise des phrases longues et sophistiquées pour décrire les émotions et les pensées de ses personnages. Son style est souvent qualifié de réalisme psychologique, car il explore les motivations et les sentiments des personnages en profondeur.

Emma devenait difficile, capricieuse. Elle se commandait des plats pour elle, n’y touchait point, un jour ne buvait que du lait pur, et, le lendemain, des tasses de thé à la douzaine. Souvent elle s’obstinait à ne pas sortir, puis elle suffoquait, ouvrait les fenêtres, s’habillait en robe légère. Lorsqu’elle avait bien rudoyé sa servante, elle lui faisait des cadeaux ou l’envoyait se promener chez les voisines, de même qu’elle jetait parfois aux pauvres toutes les pièces blanches de sa bourse, quoiqu’elle ne fût guère tendre cependant, ni facilement accessible à l’émotion d’autrui, comme la plupart des gens issus de campagnards, qui gardent toujours à l’âme quelque chose de la callosité des mains paternelles.

Madame Bovary, Gustave Flaubert

Brève bibliographie de Flaubert

  • Madame Bovary, 1857 et 1930
  • Salammbô, 1862 et 1874
  • L’Éducation sentimentale, 1869

Colette (1873-1954)

Gabrielle Sidonie Colette naît en 1873 dans le village de Saint-Sauveur-en-Puisaye en Bourgogne. Son lieu de naissance va la marquer. Elle est l’une des premières à pratiquer l’auto-fiction (et non l’autobiographie).

Colette n’est donc pas son prénom, mais plutôt le nom de son père, le capitaine Colette, que sa mère Sidonie Landoy (« Sido »), a épousé lorsqu’elle s’est retrouvée veuve de son premier mari. Gabrielle Sidonie (« Colette ») grandit à la campagne puis ira vivre à Paris.

Elle épouse Henri Gauthier-Villars en 1893, un homme plus âgé qu’elle (elle a 20 ans). Il l’introduit dans les salons mondains et l’incite à écrire la série des Claudine, qu’il publie sous son propre nom.

Divorcée en 1906, elle s’émancipe et se console dans les bras d’une femme. Elle se remarie ensuite et a un enfant, une fille qu’elle appelle Colette. Après une aventure avec le fils de ce mari, elle se remariera encore une troisième fois. Elle aura vécu une vie libre et connu la gloire. Elle est la première femme en France à avoir eu des funérailles nationales.

Colette a traversé la fin du XIXe siècle et a vécu jusqu’au milieu du XXe. Elle aura connu les deux guerres mondiales, la Belle Époque. Son style est authentique et gai, nourri de sa propre liberté, de sa féminité, de son rejet des normes morales. On peut dire de son style qu’il magnifie le réel. Ses mots sont souvent empruntés à l’univers de l’enfance, ses mots célèbrent la nature dans un style qui relève de la « poésie en prose« . Son oeuvre est pléthorique.

Au Bac de français, depuis 2022, l’oeuvre de Colette s’insère dans le parcours « célébration du monde« .

Autrefois, le rossignol ne chantait pas la nuit. Il avait un gentil filet de voix et s’en servait avec adresse du matin au soir, le printemps venu. Il se levait avec les camarades, dans l’aube grise et bleue, et leur éveil effarouché secouait les hannetons endormis à l’envers des feuilles de lilas.
 
Il se couchait sur le coup de sept heures, sept heures et demie, n’importe où, souvent dans les vignes en fleur qui sentent le réséda, et ne faisait qu’un somme jusqu’au lendemain.
 
Une nuit de printemps, le rossignol dormait debout sur un jeune sarment, le jabot en boule et la tête inclinée, comme avec un gracieux torticolis. Pendant son sommeil, les cornes de la vigne, ces vrilles cassantes et tenaces, dont l’acidité d’oseille fraîche irrite et désaltère, les vrilles de la vigne poussèrent si dru, cette nuit-là, que le rossignol s’éveilla ligoté, les pattes empêtrées de liens fourchus, les ailes impuissantes…
 
Il crut mourir, se débattit, ne s’évada qu’au prix de mille peines, et de tout le printemps se jura de ne plus dormir, tant que les vrilles de la vigne pousseraient.
 
Dès la nuit suivante, il chanta, pour se tenir éveillé :
 
Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…
Je ne dormirai plus !
Tant que la vigne pousse, pousse, pousse…
(…)

Colette, Les vrilles de la vigne

🎧 À écouter (3 minutes)

Colette, une femme libre – Présentation (France Culture, janvier 2023) https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/colette-une-femme-libre-presentation-1ere-diffusion-29-01-2023-2849877

À consulter sur Lumni si vous préparez le Bac de français

https://www.lumni.fr/article/colette-ecrivaine-libre

Brève bibliographie de Colette

  • 1900 : Claudine à l’école
  • 1901 : Claudine à Paris
  • 1902 : Claudine en ménage
  • 1903 : Claudine s’en va
  • 1908 : Les Vrilles de la vigne
  • 1923 : Le Blé en herbe
  • 1930 : Sido

Albert Camus (1913-1960) : « se taire avec les mots »

Albert Camus est connu pour son style d’écriture concis et simple, qui met l’accent sur la clarté et la simplicité. Dans ses romans, comme L’Étranger(1942) et La Peste, Camus utilise des phrases courtes et précises pour créer une atmosphère austère et minimaliste. Son style est souvent qualifié d’existentialiste, car il met en évidence les thèmes de l’absurdité de la vie et de l’aliénation de l’individu. Dans l’Étranger, on note un « style « neutre« , une « parole transparente » :

C’est bien ainsi que se réalise verbalement le « se taire avec les mots », dont a bien parlé Sartre, les personnages sont détourés, suréclairés, déréalisés par une écriture sans adjectifs descriptifs, sans verbes, au seul service de l’acte immédiat. 

Daniel Delas

Camus lui-même estime que « La véritable œuvre d’art est celle qui dit moins ».

Voici un extrait de L’Étranger pour en juger :

Le soir, Marie est venue me chercher et m’a demandé si je voulais me marier avec elle. J’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l’aimais. J’ai répondu comme je l’avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l’aimais pas. « Pourquoi m’épouser alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n’avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D’ailleurs, c’était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J’ai répondu : « Non. » Elle s’est tue un moment et elle m’a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j’aurais accepté la même proposition venant d’une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J’ai dit : « Naturellement. »

L’Étranger, Albert Camus

Brève bibliographie de Camus

  • Noces (1939), recueil
  • Le Mythe de Sisyphe (1942)
  • L’Étranger (1942)
  • La Peste (1947)
  • La Chute (1956)

Marguerite Duras (1914-1996) : le lexique avant la syntaxe

Marguerite Duras, quant à elle, est célèbre pour son style poétique et évocateur.

Dans des œuvres telles que L’Amant et Moderato Cantabile, Duras utilise un langage lyrique et métaphorique pour explorer les thèmes de l’amour, de la famille, du couple.

Son style est souvent qualifié de « prose poétique« , car elle utilise des images poétiques pour décrire les personnages et les paysages.

Duras cherche des mots capables de dire au plus juste ce que ressentent les personnages ou le narrateur. Les mots priment sur la syntaxe dans le style durassien. La psychologie des personnages l’intéresse peu.

Voici un extrait de l’une de ses oeuvres les plus célèbres, L’Amant, plus précisément la scène de la rencontre, narrée dans un style cinématographique :

L’homme élégant est descendu de la limousine, il fume une cigarette anglaise. Il regarde la jeune fille au feutre d’homme et aux chaussures d’or. Il vient vers elle lentement. C’est visible, il est intimidé. Il ne sourit pas tout d’abord. Tout d’abord il lui offre une cigarette.

Sa main tremble. Il y a cette différence de race, il n’est pas blanc, il doit la surmonter, c’est pourquoi il tremble. Elle lui dit qu’elle ne fume pas, non merci. Elle ne dit rien d’autre, elle ne lui dit pas laissez-moi tranquille. Alors il a moins peur. Alors il lui dit qu’il croit rêver. Elle ne répond pas. Ce n’est pas la peine qu’elle réponde, que répondrait-elle. Elle attend. Alors il le lui demande : mais d’où venez-vous ? Elle lui dit qu’elle est la fille de l’institutrice de l’école de filles de Sadec. Il réfléchit et puis il dit qu’il a entendu parler de cette dame, sa mère, de son manque de chance avec cette concession qu’elle aurait achetée au Cambodge, c’est bien ça n’est-ce pas ? Oui c’est ça.

L’Amant, Marguerite DURAS

À partir de L’Amant, Duras expérimente ce qu’elle appelle l’écriture courante, la « littérature d’urgence »: écrire vite, dans l’urgence, pour ne pas oublier et pour saisir les mots au vol.

Brève bibliographie de Duras

  • Un barrage contre le Pacifique, 1950
  • Moderato cantabile, 1958
  • Le Ravissement de Lol V. Stein, 1964
  • L’Amant, 1984 / Prix Goncourt 
  • L’Amant de la Chine du Nord, 1991

Quel est votre écrivain préféré parmi ceux cités ? En quoi son style vous plaît-il?

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Une réflexion sur “Comparaison des styles d’écriture de 4 écrivains français célèbres : Gustave Flaubert, Colette, Albert Camus, Marguerite Duras


  1. C’est pratique d’avoir la frise chronologique, en effet, c’est pas toujours facile de savoir qui est contemporain de qui…
    Billet sympa et qui fait de bons rappels des cours du lycée

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